Vous souvenez-vous d’une occasion où vous avez été invité à manger chez quelqu’un pour la première fois ? Dans la culture française, quand on est invité, on commence par observer nos hôtes. S’ils s’assoient on s’assoie, puis on attend qu’ils commencent à manger avant de commencer à manger à notre tour. Quand on est invité on observe… pour s’adapter à nos hôtes, parce qu’on est invités certes, mais on est chez eux. Ils vous ont dit : « fais comme chez toi », mais par politesse, on se souvient qu’on est chez eux.
En tant que chrétiens, n’oublions pas où l’on se trouve ! Dans sa lettre, l’apôtre Pierre s’adresse à des chrétiens (« aux élus ») qui vivent dans une culture hostile à l’Évangile, où ils sont « étrangers », « dans la dispersion » (1 Pierre 1.1). L’église – sans doute celle qui est à Rome – y est désignée en ces termes : « l’Élue qui est à Babylone ». Nous aussi, nous sommes visiteurs de passage au milieu de la Babylone où Jésus nous a envoyés. N’oublions donc pas qui nous sommes, et où nous avons été envoyés.
Vivre en tant qu’invités dans un monde qui ne partage pas certaines de nos valeurs les plus profondes est un véritable défi. Comment s’y prendre ? Voici deux pistes de réflexion :
1. N’oublions pas que nous sommes des visiteurs de passage.
Aujourd’hui, nous vivons dans une société qui mêle sécularisation et pluralisme religieux. Le mode de vie chrétien n’est qu’un possible parmi d’autres… Un possible parmi une multitude de religions, philosophies, modes, tendances, techniques de développement personnel, etc. A l’heure où le style de vie chrétien est de plus en plus à la marge, de plus en plus critiqué, nous devons à tout prix éviter trois écueils : résister agressivement, faire des compromis avec notre foi pour nous couler dans le moule de ce monde, ou encore privatiser notre foi.
Certains chrétiens partent en croisade dans une sorte de guerre culturelle contre le monde mauvais. Ils sortent constamment leur marteau piqueur pour détruire les idoles des gens de ce monde, et pointent un doigt accusateur sur les autres. Le risque, avec une pareille attitude, c’est d’oublier que nous sommes disciples de Jésus, et en tant que tels, envoyés dans le monde pour y être sel et lumière ! Nous ne sommes pas appeler à détruire les idoles des autres, mais à bâtir des passerelles vers eux, pour les rejoindre et les bénir.
A l’époque où Pierre écrit son épître, les chrétiens fidèles risquent la persécution, voir même le martyre ! On peut très bien imaginer, hier ou aujourd’hui, un chrétien qui désire être reconnu de la société. Ce chrétien va essayer de fuir l’hostilité ou la méfiance vis-à-vis de l’Évangile. Il va chercher à se fondre dans la masse, parce que c’est plus confortable, parce que çà coûte moins. Peut-être finira-t-il même par se dissocier de la communauté chrétienne ? On peut ainsi céder à cette pression subtile de notre culture sécularisée et individualiste, qui nous insuffle ses refrains entêtants, et finit ainsi par changer notre mentalité : « la foi est privée », « il ne faut pas parler de ce que l’on croit », « être humble c’est pour les faibles », « il faut marcher sur les autres pour réussir ». On peut encore compromettre notre intégrité. Voici quelques exemples :
- Tricher ou mentir pour avoir absolument cette promotion au travail parce que l’on désire la reconnaissance à tout prix.
- Négliger sa vie de famille, pour gagner plus d’argent parce que l’on désire posséder toujours plus.
- Se laisser entraîner dans des excès d’alcool lors de soirées entre amis, parce que l’on désire l’approbation des autres plus que celle de Dieu.
D’autres chrétiens choisissent, à la manière des survivalistes, la voie d’un repli hors du monde. C’est là une bien mauvaise compréhension de notre appel à la sainteté ! Mais lorsque l’on relègue sa foi dans la sphère privée, pour ne pas faire de vague, on encourt le risque de laisser la flamme vaciller et finalement s’éteindre. Alors que notre appel à la sainteté, c’est un appel à vivre une vie qui fait la différence, une vie pleine de saveur pour les autres, une vie qui annonce le roi qui vient !
Attention ! Ne nous sédentarisons pas ! N’oublions pas que notre véritable citoyenneté est dans le ciel !
2. Soyons de bons invités, prévenants, qui recherchent activement le bien de leurs hôtes.
Au premier siècle, un visiteur (en transit) ou un étranger n’avait pas les mêmes droits et responsabilités qu’un citoyen. Il ne participait pas forcément à toutes les coutumes du pays hôte, mais ils gardait son identité. De même les chrétiens doivent se considérer comme « résidents temporaires », invités dans la société dans laquelle ils vivent. Dans les mots de la théologienne Karen Jobes, les chrétiens sont appelés à vivre pour Christ « sans offenser de manière inutile les attentes de leur société ». En tant que visiteurs ou invités qui respectent leur terre d’accueil en quelque sorte, mais gardent leur identité distincte.
Les chrétiens de l’époque étaient, comme le dit l’apôtre Pierre ; « calomniés comme s’ils faisaient le mal ». Nous aussi, nous pouvons subir quotidiennement ce genre de pression, de la part de la culture et de la société. Mais, plutôt que de plier, nous sommes appelés à nous nourrir de l’Évangile de la grâce de Dieu pour vivre une vie différente, une vie pleine de saveur.
En d’autre terme, c’est en développant une vie qui parle que nous ferons taire les faux clichés sur la foi chrétienne. C’est une vie pleine de saveur, une vie qui interpelle et va susciter le questionnement, même face aux critiques ou aux accusations mensongères sur la foi.
Bien sûr, quand les valeurs de la société s’éloignent, voir s’opposent à l’Évangile, là le chrétien doit être prêt à souffrir, endurer, en comptant sur la grâce de Dieu, en se souvenant que si nous sommes dans le monde, nous ne sommes pas pleinement à la maison ici. Nous sommes citoyens du peuple de Dieu premièrement.
Mais notre société va aussi remarquer notre belle manière d’agir ! Elle va voir la bonne conduite des chrétiens, dans des aspects qu’elle considère elle-même comme bons. Dans sa première épître, l’apôtre Pierre ne dit pas que les chrétiens font tout bien, et que les non-chrétiens font tout mal. Il n’a pas une pensée binaire ou simpliste. Au contraire, Pierre présuppose même que certaines valeurs de la société seront communes avec la foi chrétienne, même si la société ne partage pas la foi en Christ. Nous pouvons donc faire des belles œuvres que la société reconnaîtra comme bonnes. Voici quelques exemples :
- Imaginez avec moi un instant : un collègue de travail qui pense que la foi chrétienne est totalement déconnectée des réalités du quotidien, mais ce collègue vous voit, et il voit comment votre foi vous motive au travail, à donner le meilleur de vous-même, même face à des situations d’injustice.
- Imaginez : un ami qui imagine lui-même Dieu comme le père fouettard, et qui vous voit vous nourrir de l’amour de Christ pour aimer les personnes autour de vous, même les moins aimables.
- Imaginez encore : un voisin athée qui voit la foi chrétienne comme étant intolérante, mais qui vous voit nouer une amitié sincère avec votre autre voisin musulman.
Il existe tant de façons de montrer que l’Évangile fait de nous aussi des bons citoyens de ce monde, même si notre vraie citoyenneté est au ciel :
- Prendre le temps, par ex, d’écouter un collègue de travail qui vit une situation personnelle difficile,
- Avoir des paroles d’encouragement quand d’autres préfèrent la critique gratuite,
- Remercier certaines personnes pour leur contribution, même si la société ne les considère pas et qu’elles se sentent invisibles.
Conclusion :
Pierre encourage les chrétiens à vivre l’Évangile dans leurs relations avec les autorités, les maîtres, entre maris et femmes, et même dans leurs églises locales, en faisant le bien.
Posons-nous maintenant quelques questions :
- Quel bien pouvons-nous faire dans la société, dans notre domaine d’activité, dans nos relations avec nos proches et notre famille, qui puisse être reconnu comme bien par eux et soit un témoignage positif de l’Évangile ?
- Quels sont les « stéréotypes négatifs » qu’ont les personnes autour de vous sur la foi chrétienne ? Comment les faire taire ?
Développons un style de vie subversif, afin de faire connaître celui qui nous a envoyés, celui qui nous a semés au milieu de ce monde.
Paul M, édité par Aurélien Bloch